Le biais du survivant, c’est quoi ?
Quand on parle des personnes qui nous inspirent professionnellement (et dans la vie en général), on pense naturellement aux personnes qui ont réussi. Celles qui ont accompli quelque chose d’important / d’inspirant à tes yeux. Ou simplement qui ont des valeurs / une personnalité qui te parlent profondément. Et si je te disais que quand on s’y prend ainsi (s’inspirer uniquement de ceux.celles qui ont réussi), on tombe dans ce qu’on appelle un biais cognitif : le biais du survivant.
Ah oui ? C’est quoi ce biais du coup ? C’est ce qu’on va voir dans cet article justement. On va voir de quoi il s’agit, comment il a été découvert, comment il fonctionne de manière générale et enfin pourquoi c’est utile de l’avoir à l’esprit dans sa vie professionnelle.
Pour expliquer ce qu’est le biais du survivant, on va utiliser l’exemple le plus connu. Un petit saut dans l’histoire, c’est parti. 😊
La découverte du biais du survivant
Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, les différentes armées faisaient face à de nombreuses pertes humaines et matérielles dans les combats aériens. Les bombardiers coûtaient très cher à produire et nombreux furent les soldats à faire un aller simple à cause de la fragilité de ces avions.
Pour réduire les pertes humaines et pour faire en sorte que les avions puissent revenir à la base militaire, l’armée a fait appel à des statisticiens. L’idée était d’étudier les bombardiers survivants, afin de voir les zones les plus fragilisées par les balles durant les missions. Pour améliorer les modèles suivants.
De prime abord, le réflexe naturel a été d’étudier les endroits précis où les avions avaient reçu des balles, puis de solidifier ces parties-là (celles qui ont été endommagées). Pourtant, la méthode la plus efficace pour réduire les dégâts n’a pas été celle-ci, car elle tombait dans un biais cognitif : le biais du survivant.
Le statisticien Abraham Wald a mis en lumière l’existence et l’importance du biais du survivant. Il préconisa de solidifier toutes les parties n’ayant reçu aucun impact. Contre-intuitif n’est-ce pas ? 😉
L’aspect contre-intuitif du biais du survivant
En effet, les seuls avions qui pouvaient être étudiés, étaient des bombardiers survivants, qui ont pu faire un aller-retour et retourner à la base. Même s’ils étaient endommagés, les impacts étaient suffisamment superficiels pour ne pas détruire l’appareil.
A l’inverse, les bombardiers qui ont été détruits durant les combats, l’armée ne pouvait pas les étudier. Donc, on ne pouvait pas déterminer quelle était la cause réelle de la destruction des appareils.
Alors, comment faire et ne plus réparer les avions « à l’aveugle » ? Comme se concentrer sur les avions des survivants n’aidait pas à connaître les fragilités des avions, voir même ils faisaient se concentrer sur ce qui n’était pas important, Abraham Wald mit en lumière le biais du survivant.
Il suggéra simplement, pour réduire la future casse, de réfléchir à l’inverse. Il fallait solidifier toutes les autres parties de l’avion, celles qui n’avaient pas d’impact !
Pourquoi ? Ça peut paraître contre-intuitif c’est vrai, on aurait eu tendance à penser : il faut solidifier les parties abîmées. C’est pourtant simple : si les avions survivants ont pu revenir à la base, c’est la preuve que les emplacements où ils ont été attaqués n’étaient pas critiques. C’est précisément les zones qui peuvent encaisser le plus de dommage, qui sont solides.
Le biais du survivant comme « contre-exemple »
Donc, si on résonne à l’inverse, en se détachant du biais du survivant et en se concentrant sur les bombardiers qui ne sont pas revenus, on déduit qu’il faut solidifier toutes les zones qui ne sont pas abîmées chez les survivants. Ce sont celles-ci qui sont critiques et qui causent la destruction des appareils, si elles sont touchées.
Par exemple, un bombardier qui va recevoir des balles dans la portière, va pouvoir revenir à la base. Pourtant, si on suit le biais du survivant, on va voir les impacts sur la portière et vouloir solidifier la portière. Un même bombardier qui reçoit une balle dans le moteur, ne va pas pouvoir retourner à la base. Si on est dans le biais du survivant, on ne va pas être en mesure de se dire que c’est justement la partie cruciale à solidifier (car on ne la voit pas).
Grâce à ce statisticien et cette méthode, les armées ont réduit efficacement les pertes dans ces contextes de combat aériens.
Très bien, mais quel est le rapport avec ma vie professionnelle ? Pourquoi est-ce que je te raconte ça ? Et bien tout simplement parce qu’on peut utiliser ce biais du survivant dans sa carrière professionnelle. Ou plutôt, pour être précis, on peut éviter de tomber dans ce biais.
Une règle générale a été tirée de cette expérience avec les bombardiers, et elle peut s’appliquer dans tous les domaines de la vie. C’est pour cela que je t’en parle dans cet article.
Le fonctionnement du biais du survivant
On peut résumer le biais du survivant de la manière suivante : il s’agit de la tendance de l’être humain à se focaliser sur des personnes qui ont réussi ou bien des évènements qui se sont déroulés avec succès. Cette focalisation entraîne des conclusions erronées et pousse les gens à surestimer leurs propres chances de succès.
Les « survivants » (les personnes étudiées, qui ont réussi) sont pourtant des exceptions, une minorité. L’autre grande partie (les personnes non-étudiées, qui ne réussissent pas/peu) sont la majorité représentative.
C’est bien en se concentrant sur cette deuxième catégorie que l’on apprend le plus de choses. Pourquoi est-ce que je dis ça ? A ton avis, quel est la méthode la plus efficace pour tirer des leçons de vie ?
- Demander « Pourquoi as-tu réussi ? » aux personnes qui ont réussi ;
- Demander « Pourquoi n’as-tu pas réussi ? » aux personnes qui ont échoué.
Si j’accentue volontairement la caricature, peut-être que les personnes qui réussissent ne savent pas toujours expliquer les raisons de leurs réussites. (Comme les bombardiers survivants.) Par contre, les personnes qui ne réussissent pas, savent beaucoup plus facilement le pourquoi du comment de leurs échecs. (Les bombardiers non-survivants). On a des leçons à tirer des échecs. Beaucoup plus que pour les réussites.
Pour en apprendre davantage sur ce sujet, lisez l’article
« Vous ferez des erreurs. C’est normal. Comment valoriser les échecs ? »
C’est pour cette raison que beaucoup de réussites se basent sur des « contre-exemples de vie ». Nombreuses sont les personnes qui réussissent dans leur domaine et tiennent le discours suivant : « On a observé tout ce qui n’allait pas dans notre domaine et chez nos concurrents, puis on a proposé une solution différente à tous ces problèmes. Du coup ça a fonctionné. »
Avoir conscience du biais, tout en continuant de s’inspirer
Maintenant que ce biais du survivant est bien expliqué, il est temps de le nuancer. Il apporte une vision des choses différentes, qui aide à prendre du recul. En ayant conscience de ce biais, on peut concentrer notre esprit sur un autre schéma mental. Pour avancer, différemment et très efficacement. Cependant, même si l’étude de ceux.celles qui ont réussi est biaisée cognitivement, il y a du bon à s’inspirer des réussites des autres.
D’abord, c’est extrêmement motivant. Ensuite, c’est positif, on voit que ce que l’on veut faire, et bien c’est réalisable. Si lui.elle y ai arrivé, alors pourquoi pas moi ? C’est juste !
L’idée de cet article était de mettre en lumière ce biais du survivant, afin de t’aider à sortir de tes schémas mentaux habituels. C’est une mise en perspective de la réussite. Plus tu auras de sources différentes d’inspirations (des gens qui réussissent dans ton domaine ET des personnes qui ne réussissent pas (« contre-exemples »), plus tu auras de cartes en main pour agir au mieux pour ton projet professionnel.
Pour aller plus loin sur ce point, lisez l’article
« Comment ne pas s’épanouir au travail ? 3 mauvais conseils à ne plus écouter »
Le blog Welcome to the jungle a écrit un article intéressant, qui complète cet article, à propos du biais du survivant au sein des entreprises.
Et si on valorisait les échecs ?
Relativisons nos faiblesses. Accueillons-les et apprivoisons-les. C’est exactement ce que nous invite à faire le philosophe Alexandre Jollien dans son livre Eloge de la faiblesse.
Il nous raconte son histoire au travers d’un récit autobiographique. L’auteur, handicapé de naissance, illustre ses pensées sur son handicap à travers un dialogue avec Socrate en personne.
Le roman alterne les phases où l’auteur nous raconte sa vie et ses difficultés dans un établissement spécialisé. Sa construction, son développement et sa force de résilience. D’autres phases où il « discute » avec Socrate viennent rythmer le récit.
Son récit m’a beaucoup touché. Humainement. Aussi, il nous amène à réfléchir sur nos propres problèmes du quotidien. C’est une magnifique prise de recul et un exercice de gratitude envers la vie. On accepte plus facilement ce qu’il nous arrive, tout en nous rendant acteur.
Je vais citer une phrase de l’auteur, qui illustre parfaitement la pensée de son livre : « Peu à peu, une conversion s’opère, le faible, la vulnérabilité, l’épreuve peuvent devenir des lieux fertiles de liberté et de joie. »
Quand on voit que des personnes, qui sont nées avec des difficultés, apprivoisent leur handicap et continuent de profiter de la vie quoi qu’il arrive, c’est vraiment inspirant. Et cela fait relativiser notre propre quotidien, dès lors que l’on vit dans une situation plutôt confortable. Ce livre est une source de gratitude envers la vie.
Merci d’avoir lu cet article et à très bientôt sur Trace Ta Carrière ! 🙂
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